BERNARD ATTAL -
"On vit un âge d'or du cinéma brésilien"
Ce cinéaste français s'est établi au Brésil il y a une dizaine d’années et en septembre
dernier sortait en salles son premier long-métrage, La Collection invisible, inspiré de
la nouvelle de l'écrivain autrichien Stephan Zweig. Lepetitjournal.com s'est entretenu
avec lui.
Lepetitjournal.com : Pouvez-vous nous raconter votre
parcours ?
Bernard Attal : Je me suis installé au Brésil il y a plus de
dix ans, après 15 ans de voyages. Avant cela, je dirigeais
une société d'investissement à New-York. J'ai commencé
à réaliser des films assez tard. J'ai changé de carrière à 40
ans pour revenir à mes premières amours. Avant
La Collection invisible, j'ai réalisé des courts-métrages
et un documentaire pour TV Brasil. La Collection invisible est donc mon
premier long-métrage, il est sorti en salles l'année dernière et se trouve maintenant
dans le circuit des festivals de cinéma internationaux. Dernièrement, il était présenté
en Californie pour le festival de Newport Beach.
Pourquoi avoir choisi le Brésil pour poser vos valises ?
Je connaissais déjà un peu le Brésil avant de m'y installer. J'y étais venu pour
des raisons littéraires. J'ai lu Jorge Amado adolescent et je me suis créé tout un
imaginaire sur le pays, c'est d'ailleurs pour cela que je me suis établi à
Salvador (Bahia). Au-delà de ça, il aurait été compliqué pour moi de changer
de carrière et de faire mon métier de réalisateur dans un pays comme la France.
Je n'étais pas dans les réseaux et les changements de carrière tardifs sont moins
acceptés. Au Brésil, ce genre de problématique n'existe pas. Ici, les questions d'âge,
de formation, ne sont pas importantes.
La Collection invisible est inspiré de la nouvelle du même nom de Stephan Zweig.
Pourquoi ce choix ?
Ce sont les thèmes abordés dans cette histoire qui m'ont inspiré : par exemple,
la frontière subtile entre mensonge et vérité, c'est quelque chose de très brésilien.
Aux Etats-Unis, où j'ai vécu, on voue un véritable culte à la vérité, mais qui est
finalement très hypocrite. Ensuite, je voulais parler du processus dans lequel une
personne qui traverse une crise existentielle peut se trouver : comment se passe la transformation. Ayant moi-même changé de carrière, je peux affirmer qu'il s'agit
d'un long processus. Cela passe par des avancées et des reculs, des échecs, des
succès, de longues déviations. Et au début de ce processus, il y a une recherche :
qu'est-ce qui motive ce changement de vie ? Par ailleurs, la nouvelle de Stephan
Zweig est très courte, c'est un conte de dix pages. La chair des personnages est peu
développée, ce qui nous a permis d'avoir une grande liberté créatrice avec Sergio
Machado, mon coscénariste.
Plus largement, quel est votre point de vue sur le cinéma brésilien ?
On vit une époque dorée du cinéma brésilien. La production est extrêmement riche.
Quand je suis arrivé il y a 10 ans, la «retomada» (terme désignant la «reprise» du
cinéma brésilien à partir de 1992, quand le gouvernement instaura un certain nombre
de mesures pour le développement des activités audiovisuelles, ndr) avait 10 ans. Il
était dur à l'époque de réaliser un long-métrage. Aujourd'hui, les moyens en place
sont très démocratiques. Le processus de financement est efficace, même s'il est très bureaucratique. Je ne suis pas sûr qu'à l'étranger on prenne réellement la mesure de
tout ça. Les cinémas argentin et chilien occupent encore une place prépondérante de
la scène internationale. Il existe bien sûr aussi des aspects moins positifs. Par exemple
au niveau de la distribution, il y a environ 2.000 salles de cinéma dans tout le pays,
pour 200 millions d'habitants, largement remplies par les blockbusters. Il reste peu de
place pour le cinéma d'auteur.
Vos projets cinématographiques actuels ?
Je travaille sur un nouveau long-métrage qui va traiter principalement de la relation
étroite qu'entretiennent les brésiliens avec la religion. C'est à mes yeux quelque
chose de fascinant : en dépit de la croissance économique du pays et des aspirations
matérielles grandissantes qui l'accompagnent, la religion garde une place très
importante dans la vie quotidienne.
Propos recueillis par Alice JARROUX (www.lepetitjournal.com - Brésil) jeudi 22 mai 2014
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