segunda-feira, 6 de setembro de 2010

Le réveil des pistachiers


Quand viendra Septembre, si vous êtes entre Damas et Alep, prenez donc un sac de couchage ou une bonne couverture – les nuits sont fraîches – et allez dormir sous les pistachiers qui abondent dans la campagne. Ce sera sûrement plus intêressant que cette stupide promesse de coucher de soleil sur Palmyre. On vous claironne un moment spécial depuis les ruines du chateau arabe, et arrivés lá-haut, noyés dans la foule de touristes belges, français, japonais et polonais que dégorgent cent autocars, vous constatez que vous avez été grugés. Le soleil ne se couche pas devant, sur le site romain, mais derrière vous, derrière les hautes murailles du château et vous ne verrez rien!
Baudelaire, connais pas.
Pour en revenir aux pistachiers, c´est, semble-t-il, un rite initiatique pour ceux qui veulent dépasser l´approche carte postale/souvenir et boare á l´âââme syrieeenne.
On s´endort normalement, á condition de ne pas déranger les fourmis, et quelques heures plus tard vous serez surpris par un concert de pistaches s´ouvrant et claquant allègrement, sur des tons variés, á la chaleur du jour naissant.
Comme tout pays au monde, vous lirez dans un guide en gestation poêtique “Syrie, Terre de contrastes”. Quelle belle et originale formule! On pourrait dire la même chose du Morbihan, du Sahara et des Maldives. En fait, malgré quelques belles plantations bien organisées, la Syrie est un pays de pierre et de sable.
Je suis parti léger. Mais même sur des roulettes, 17 kilos de fringues et chaussures, c´est beaucoup trop. Le climat est tel que ma chemise, lavée avant le sommeil réparateur, sera sèche-archisèche au petit matin. Limitez donc le fardeau á 10 kilos. En cas de désastre, vous pourrez toujours acheter sur place.
Invité chez les riches, pour un pantalon, une chemise et une cravate (ze blazer, I had), j´en ai eu pour moins de 20 euros. Mondanités passées, ces modestes achats ont fait la joie d´un vendeur de jus de réglisse.
On vous parlera de Damas et d´Alep, qui disputent le titre de plus vieille ville au monde habitée sans interruption depuis quelques milliers d´années. Les preuves sont partout. Suffit d´ouvrir l´oeil et le bon. Perdez-vous dans le dédale des ruelles couvertes aux mille senteurs, aux mille couleurs.
Plongez sans hésitation – tant pis pour la balance – dans les pâtisseries dégoulinantes de miel. L´empire Ottoman nous a donné, ne l´oubliez pas, pâte feuilletée, pizza, marrons glacés et massepain.
Promenez-vous aussi, non seulement dans les coulisses du thêatre romain de Bosra qui vient tout juste de fermer ses portes, semble-t-il, tant son état est parfait, mais aussi dans le village de basalt. Tout y est noir ou gris, même les bouts de colonnes qui confortent les murs irréguliers. Parfois, c´est un encadrement entier de porte qui a été récupéré.
Palmyre donc, pour qui ne connait pas l´Egypte, fait l´affaire en matière de romantisme. Il y a bien longtemps, Michel de Grêce, prince et écrivain, m´affirmait que “...aprés Athênes, on ne peut plus regarder une colonnade romaine et aprés Karnak, le Parthénon parait anecdotique”. Les ans ont donné raison á S.A.R. L´ombre élégante de Lawrence continue á hanter les arcs de triomphe derrière lesquelles sévissent encore quelques satyres.
Ne perdez pas Ma´amoud et Sednaya, couvents piqués sur et dans la pierraille, truffés d´icônes et de souvenirs de la Vierge, de Saint Georges et de tous les terrifiants dragons enfin vaincus par prés de deux mille ans d´oraisons et d´encens.
Mais qui vous suggèrera d´aller écouter les norias de Hama, la nuit, alors que tout est enfin silencieux? La ville était en fête, printemps aidant. Dans les jardins qui longent le fleuve, familles et écoles venaient trainer savate aux stands d´une foire bizarre oú fleurs de plastic et roses anciennes se mélaient aux poupées, parfums écoeurants, meubles industriels, bonbons poisseux, miel, lunettes de soleil et châles de rayonne brodés-machine. Une rue étroite, immémoriale, nous mena á une sorte de théâtre dont le seul acteur buvait paisiblement son kaua tout en surveillant trois gigantesques norias.
J´ai encore dans les oreilles et dans la gorge la longue et monotone plainte de ces roues noires aux bois luisants qui élèvent l´eau de l´Oronte vers potagers et hammams. Ce chant sourd m´a soudain reporté aux sanglots des fados du Bairro Alto.
Amália aurait-elle bu á cette eau sombre?
Ce fut sûrement le moment le plus intense du voyage. Mart´qui chante, Ann´qui rit, compagnes d´une bonne partie de ces découvertes, et votre serviteur étions subjugés, littéralement, par la tension implicite de ces engins terribles et merveilleux.
Nous avons couché dans des hotels couci-couça, une nuit á la limite du sordide, d´autres plus séduisants. Au petit déjeuner, outre le thé et la sempiternelle confiote d´abricots (en portugais “damasco”) nous avions droit á un délicieux fromage frais accompagné d´olives noires.
Les meilleurs restaurants se cachent dans les vieux quartiers, dans de nobles maisons centenaires. La nouvelle cuisine syrienne n´a pas encore étée inventée, grâce á Allah! Hummus obligatoire et tous les mezzes traditionnels depuis la Turquie jusqu´á l´Egypte apparaissent sur la table, vite transformée en festin sabatique autant que nabatéen.
Saint Siméon est un de ces lieux privilégiés qui vous feraient douter de votre scepticisme. Depuis l´imposante église byzantine, le regard vole au-dessus de villes mortes, de villages ponctués de curieux pains de sucre en pierres recouvertes de pisé, et se perd sur les montagnes annonçant la Turquie. La grosse pierre, reste de la colonne sur laquelle notre saint passât une bonne partie de sa vie, honnêtement, ne m´a pas convaincu. Outre mon indécrottable côté cartésien, si c´est vraiment vrai, ça ne devait pas sentir bon dans le quartier!
Promenez-vous inlassablement, mais ne regardez pas trop par terre, cela pourrait gâcher votre enchantement. Les sacs de plastique sont légion, s´envolent á la moindre brise et se plaquent sans pudeur ni décence contre colonnes et chapiteaux romains et byzantins
En Alep (mais oui!), la réception dépassa de loin les plus folles fantaisies de mon ego pourtant conséquent. Être ami du cônsul de France et jouir de l´intimité du couple m´a tout á coup projeté á des zauteurs ver-ti-gi-neuses.
C´est ainsi que je fus admis dans le saint des saints de la famille alepine number one. Demeure de grands bourgeois truffée d´oeuvres d´art. Sur le piano á queue, quelques photos de têtes couronnées - seule manquait Lady Di - dans des cadres d´argent, m´ont permis de faire deux minutes de m´as-tu vu- vous ne savez pas á qui vous avez á faire. Tapis rares, céramiques d´Isnik et d´Ispahan, précieuses porcelaines, bustes romains et mosaïques... byzantines bien sûr. Une bonne leçon d´humilité pour ce microbe de collectionneur qui vous écrit...
Maria-Rosa me demande de faire ma fameuse (?) confiture d´oranges. Citrons, pamplemousse, mandarines et tout de même quelques oranges. Prend note de la recette secrète, mais ne prend pas de photos. Dommage... Avouons-le sans façon, elle était rudement bonne! Les fruits de ce pays sont encore comme au bon vieux temps de chez nous, sans chimie, sans serre, sans rien que l´eau et le soleil. Et ça, ça aide...
Sur les pas de Candide, je me glissai dans l´inauguration d´un échange culturel turco-syrien. Beaucoup de costards-cravates style décrochez-moi ça et le maquillage de ces dames mériterait un chapitre spécial. Une fois le ruban coupé et les gros bouquets de fleurs offerts au zororités, nous subimes quelques discours três instructifs en vernaculaire. En prime, une impressionnante série d´hymnes nationaux; la Syrie et la Turquie semblant en avoir au moins quatre chacune. Le spectacle des notables invités compensa la monotonie menaçante. Un monsieur três bizness plongeant en êxtase son nez dans une rose, quelques ravissantes shéhérazades, de vigoureux jeunes gens en jupette et un buffet prometteur mais vite assailli, m´ont empêché de regarder ma montre. J´ai ainsi pu confirmer une thèse três personnelle: toutes les cérémonies officielles ont la même indigence d´originalité et la même abondance de parfait mauvais goût, quelle que soit la latitude ou le drapeau. Nous globaliserons par la médiocrité.
Que restera-t-il de ces trois semaines?
Quelques photos – plus de mille, tout de même – quelques objets et des idées de pierres, de vents de sable avant d´arriver á “Bagdad Café 66, le seul authentique”, le lézard endormi sur un bout de colonne hitite, un moineau posé sur une arche byzantine, des visages, des regards, les welcome des commerçants et les what is your name des écoliers, le fin profil de Candide qui s´ennuie poliment au milieu des pouvoirs locaux,
les rires d´Anne-Marie et ses escapades, épaules scandaleusement dénudées, la voix chantante de Martine et ses pleurs secrets, l´appétit de Maria-Rosa qui disparait, revient enfin et sa gentillesse d´oiseau blessé, nos gourmandises et, pour moi, quelques nuages affectifs assombrissant un ciel obstinément bleu, des têtes de mannequins aux yeux plus bleus encore, les envoûtantes voûtes du Krak des Chevaliers, ses immenses salles qui résonnent encore du bruit des sabots et des ferrailles militaires.
Bizarrement, á mesure que le temps passe, mollement allongé dans mon hamac, l´envie de retrouver le chant des norias et les tombeaux de Palmyre m´assaille comme um lanscinant mal de tête.
Retournerai-je en Syrie?

Dimitri Ganzelevitch
 Juillet 2008.

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