Le sondage qui confirme les impressions
A Rio, j'ai vu la France affronter l'Allemagne vendredi 4 juillet au Maracana devant un public très majoritairement blanc, et pas seulement dans les parties où se massaient les quelques milliers de supporters européens qui avaient fait le déplacement. Quelques heures plus tard, le contraste était saisissant devant l'écran installé à quelques centaines de mètres du stade, où une foule beaucoup plus jeune et mélangée s'était retrouvée, bières à la main, pour regarder le Brésil affronter la Colombie.
Ces impressions ont été confirmées dimanche 29 juin par un sondage paru dans le journal Folha de S. Paulo. Les données récoltées auprès de 693 spectateurs au stade de Belo Horizonte pendant le match entre le Brésil et le Chili sont sans appel: 67% des Brésiliens interrogés étaient blancs, et 90% appartenaient aux classes supérieures brésiliennes.
Le manque de mixité dans les stades brésiliens s'explique de manière assez simple: les places sont chères, et les noirs du Brésil sont en majorité pauvres. Les prix officiels des places pour le match entre le Brésil et le Chili variaient entre 25 et 200 dollars, mais les places les moins chères ne représentaient que 5% du stade. Le salaire minimum dans le pays est de 330 dollars par mois.
Interrogé par le Globe and Mail canadien, Carlos Costa Ribeiro, un sociologue qui étudie les questions ethniques et les inégalités à l'université de Rio, explique:
«On ne peut pas parler de discrimination raciale, il faudrait pour cela que les tickets ne soient pas vendus aux noirs, ce qui n'est pas le cas. Ce qu'il se passe, c'est que la plupart des noirs sont pauvres et ne peuvent pas acheter un ticket parce qu'ils sont chers. Mais pourquoi les noirs ne sont-ils pas riches? Parce qu'il y a de la discrimination.»
Une équipe mélangée, mais...
En fait, les seuls représentants du Brésil multiculturel qui participent à la Coupe du monde sont sur le terrain. «On peut dire que le football arrive à faire sur le terrain la démocratie raciale que la société Brésilienne n'arrive pas à créer» écrivait récemment le musicien brésilien José Miguel Wisnik dans un texte présentant l'identité du football brésilien pour le New York Times.
Mais même su le terrain, les choses ne sont pas si simples. Si l'équipe brésilienne reflète le métissage du pays, son sélectionneur, et quasiment tout l'encadrement, sont blancs. Les images du défenseur brésilien Daniel Alves recevant une banane dans le championnat espagnol ont révolté une partie des Brésiliens, mais des scènes similaires ont lieu dans les championnats locaux.
Bloomberg évoquait en mai le cas de l'arbitre noir brésilien Marcio Chagas, habitué à être la cible de cris de singe dans les matchs de championnat, qui a retrouvé sa voiture vandalisée et son pare-brise recouvert de bananes après un match.
Comme le souligne le site The Root dans un excellent article, la complexité du rapport du Brésil à la diversité s'exprime dans le fait que beaucoup de Brésiliens noirs ne se considèrent pas comme tels. Quand un journaliste lui a demandé en 2010 s'il avait déjà été victime de racisme, la star brésilienne Neymar avait répondu:
«Jamais. Ni à l'intérieur, ni en dehors d'un stade. De toute façon, je ne suis pas noir, si?»
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